la fortune des rougon résumé par chapitre

Collection« Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Zola La Fortune des Rougon Dans la petite ville provençale de Plassans, au lendemain du coup d'Etat d'où va naître le Second Empire, deux adolescents, Miette et Silvère, se mêlent aux insurgés. Leur histoire d'amour comme le soulèvement des républicains traversent le roman, mais Icis'explique pour la 1er fois le titre du roman : "La Fortune des Rougon". PLAN : PR prend le pouvoir dans la famille Chaque personnage agit en fonction d'une valeur qui lui est propre Observation et analyse des personnages par un romancier naturaliste Une prise de pouvoir réfléchie Il y a tout d'abord la présence du champ lexical du pouvoir dans le : Rédigéede manière claire et accessible, la fiche de lecture propose d’abord un résumé chapitre par chapitre du roman, puis s’intéresse aux différents personnages : Adélaïde Fouque, Pierre Rougon, Félicité Rougon, Eugène Rougon, Pascal Rougon, Aristide Rougon, Antoine Macquart, Silvère Macquart et Miette. On aborde ensuite le naturalisme, puis le Quest-ce que le projet des Rougon-macquart ? Les Rougon-Macquart, ou Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire comptent vingt romans qui s'échelonnent de La Fortune des Rougon (1871) au Docteur Pascal (1893). Le projet remonte à 1868, alors qu 'Émile Zola () est plongé dans l'œuvre de Taine et La Comédie Site Rencontre 100 Gratuit Sans Inscription. La fortune des Rougon de Zola Résumé par chapitres Chapitre 1 Histoire d’amour entre Miette et Silvère. Adieux car départ de Silvère pour l’insurrection. Miette devient la fille en rouge » Chapitre 2 Pierre Rougon veut faire fortune et se débarrasse de ses frères et sœurs. Il tente de faire fortune avec Félicité. Déception venant de leurs 3 fils. Chapitre 3 Insurrection des républicains. Le salon jaune est pour la monarchie. Rougon veut remettre de l’ordre et en garder le bénéfice. Chapitre 4 Histoire d’Antoine Macquart. Même volonté de faire fortune. Fine travaille pour lui, quand elle meurt, il accuse la monarchie et en veut au salon jaune. Il met Silvère de son côté. Chapitre 5 Bataille entre les insurgés et les bonapartistes. Rougon se cache et attend le bon moment. Miette se fait tuer. Chapitre 6 et 7 Rougon sauve Plassans avec des hauts et des bas et fait enfin fortune. Silvère est tué. Macquart est exilé. La curée de Zola Personnages principaux Maxime Saccard Laure d’Aurigny Renée Saccard – Bérard Mme de Lauwerens M Simpson Mme la marquise d’Espanet Adeline Mme Haffner Suzanne Aristide Saccard – Rougon M de Mussy M de Mareuil Louise de Mareuil Baptiste Céleste Christine Béraud Elisabeth Sidonie Rougon Eugène Rougon Mignon Charrier Le baron Gouraud M Toutin-Laroche M Hupel de la Noue M de Saffré Sylvia Angèle, première femme d’Aristide Clotilde, fille d’Aristide M Béraud du Châtel, père de Renée Larsonneau M Michelin Worms Le duc de Rozan Résumé par chapitres Chapitre 1 Présentation de Maxime et Renée. Elle s’ennuie, elle a déjà fait tout ce qui était possible. Diner lors duquel on étale la luxure des Saccard. Que comprend Renée en voyant Maxime et Louise ? Que devient M de Mussy ? Chapitre 2 Histoire d’Aristide Rougon dit Saccard. Raison et condition de son mariage avec Renée. Explication de sa fortune à venir c’est un homme intelligent et ambitieux tout comme Sidonie, sa sœur et Eugène, son frère. Chapitre 3 Maxime, Renée et Saccard font chacun leur vie de leur côté. Ils descendent de plus en plus bas dans la débauche. Renée semble souvent s’ennuyer. Maxime connaît toutes les dames même s’il est promis à Louise. Chapitre 4 Saccard a des problèmes d’argent. Sa fortune n’est qu’apparente. Sidonie tente de mettre le grappin sur Renée. Renée et Maxime ont gouté à l’inceste et y prennent gout. Ils se voient tous les soirs. Chapitre 5 Les affaires de Saccard vont de mal en pis. Maxime et Renée son toujours ensemble mais Maxime veut rompre sans succès. Sous le coup de la colère, il a dévoilé les plans de son père à Renée. Chapitre 6 Renée, lors d’un bal, comprend que Maxime va épouser Louise. Elle devient folle. Saccard les surprend mais ne dit rien. Renée est totalement perdue. Elle se sent honteuse car arrivée au plus haut point du vice avec l’inceste. Chapitre 7 Renée est encore plus perdue depuis que Céleste l’a quittée. Elle se rend compte qu’elle a vieilli et que sa vie est vide de sens. Elle meurt en laissant des dettes que son père règlera. J’accuse de Zola Résumé Zola s’adresse au président Faure sur l’affaire Dreyfus. Il détaille d’abord tous les problèmes évidents puis il montre les manigances et autres mises en œuvre pour couvrir les erreurs de l’Etat-major. Il plaint les hommes justes qui ont été punis. Pour conclure, il accuse tous les hommes qui ont trompé l’opinion et dit que sa lettre n’a pour seul intérêt que de faire sortir la vérité qui est déjà prête à exploser. Au bonheur des dames de Zola Personnages principaux Denise Baudu Pépé Baudu Jean Baudu Oncle Baudu Elisabeth Baudu Geneviève Baudu Vinçard Colomban Mme Gras, la nourrice Robineau Gaujean Bouthemont Mme Aurélie Le père Bourras Octave Mouret Mme Desforges Henriette Mme de Boves Mme Marty Mme Bourdelais Bourdoncle Albert Lhomme Joseph Liénard Mignot Hutin Favier Mlle Vadon Marguerite Mlle Prunaire Clara Mme Frédéric Henri Deloche Le baron Hartmann Mme Guibal Blanche de Boves M de Boves M de Vallagnosc Paul Mme Cabin Mme Boutarel Valentine Marty Pauline Cugnot Baugé Mme Robineau Résumé par chapitres Chapitre 1 Denise arrive à Paris avec Jean et Pépé, ils se rendent chez leur oncle Baudu. Celui-ci n’a pas de place pour elle. Il raconte l’histoire du Bonheur des Dames qui ruine le quartier. Denise en est fascinée car il est immense. Elle va aller s’y présenter pour travailler comme vendeuse malgré l’aversion de sa famille pour ce magasin. Chapitre 2 Denise se rend au Bonheur des Dames pour se présenter comme vendeuse. Sa timidité l’empêche d’entrer tout de suite. Elle rencontre Henri Deloche. Présentation de tout le magasin et de ses principaux employés. Denise se présente enfin mais elle ne sait pas encore si elle aura le poste, Mouret semble l’apprécier. Chapitre 3 Mouret se rend chez Henriette pour rencontrer le baron Hartmann avec qui il veut faire affaire. Ce dernier finit par être séduit quand il voit comment Mouret gouverne les femmes. Mouret y retrouve un ami de Plassans Paul Vallagnosc. Chapitre 4 C’est le jour du lancement d’un nouveau produit. Le matin est si calme qu’ils ont peur mais finalement l’après-midi est bondé de monde. C’est la première journée de Denise, elle ne vend rien, tout le monde se moque d’elle. Elle est épuisée et démoralisée. Chapitre 5 Denise, malgré ses difficultés, fait tout pour ne pas être renvoyé. Jean lui demande de l’argent pour des problèmes de femmes ce qui ennuie Denise. Elle est amie avec pauline qui lui conseille de prendre quelqu’un » ce qu’elle refuse. Est-elle amoureuse de Hutin ? Deloche lui fait sa déclaration lors de la journée à Joinville. Elle le repousse gentiment. Chapitre 6 Denise a beaucoup de problèmes d’argent. Robineau l’aide en lui donnant des nœuds de cravates. Ils se font licenciés tous les deux. Beaucoup d’histoires couraient sur Denise à cause de Jean qu’on prenait pour son amant. Chapitre 7 Denise vit chez Bourras qui par charité lui offre un emploi. Elle a dû reprendre Pépé avec elle. Elle va travailler dans la boutique de Robineau, même si elle est pour les grands magasins, pendant que Bourras garde Pépé. Elle rencontre Mouret qui lui fait des excuses et lui propose de revenir travailler au Bonheur des Dames ce qu’elle refuse. Baudu vient lui reparler et l’invite à manger. Chapitre 8 Denise va manger chez son oncle, elle voit que Geneviève dépérit elle sait que Colomban en aime une autre. Elle retourne au Bonheur des Dames car les Robineau ne s’en sortent pas. Les travaux d’agrandissements sont en route, nuit et jour, et avalent tout sur leur passage. Baudu vend son rêve et repousse encore le mariage de sa fille. Il n’a plus vraiment d’espoir Chapitre 9 C’est l’aventure du grand magasin pour les nouveautés d’hiver ». Le génie de Mouret est indéniable. La recette est la plus importante que le Bonheur des Dames ait jamais connu. Mme Desforges croit que Denise est la maitresse de Mouret. Celui-ci offre la place de seconde à Denise. L’aime-t’il ? Cela effraye Denise. Chapitre 10 Denise a réussi à se faire apprécier dans son rayon, seule Clara la méprise. Mouret l’invite à diner, tous savent ce que cela signifie. Elle refuse, cela étonne tout le monde, Mouret en est déstabilisé. Elle l’aime mais ne veut pas être une aventure d’un soir. Plus rien n’a d’importance pour Mouret même l’inventaire qui annonce la bonne fortune de son magasin. Chapitre 11 Henriette veut se venger et organise un piège pour Denise et Mouret. Celui-ci aime vraiment Denise et prend sa défense ce qui déprime Henriette. Elle va s’associer à Bouthemont qui veut faire concurrence au Bonheur des Dames avec l’aide du baron. Chapitre 12 Denise se refuse toujours à Mouret, il en est exécrable. Bourdoncle veut se débarrasser d’elle mais c’est sans succès. Elle prend de l’importance et améliore la vie au Bonheur des Dames. Mouret est sous sa coupe, il envisage de façon confuse le mariage. Chapitre 13 Geneviève meurt ainsi sue sa mère un peu plus tard. Robineau tente de se suicider. Bourras est à la rue. Jean va mal et Pépé est au collège. Denise souffre mais c’est parce que c’est inévitable, tous refusent son aide. Chapitre 14 Le Bonheur des Dames fait une nouvelle exposition maintenant qu’il s’étend sur tout un pavé de rue. Beaucoup de rumeurs circulent sur Denise et Mouret. Celle-ci part le lendemain, il veut l’épouser. Elle lui avoue son amour. Il la laisse partir, il viendra la chercher lui-même dans un mois. Les villes tentaculaires de Verhaeren Résumé des poèmes La Plaine Il évoque l’ancienne vie si magnifique des plaines et ce que l’homme en a fait des lieux tristes, monotones … L’âme de la ville Après la plaine, il évoque la vie de la ville qui existe depuis des siècles. Pas de structure fixe dans ce poème. Une statue Histoire d’un prêtre qui a une statue en son honneur. Les cathédrales Poème sur les cathédrales. Répétition fréquente de ô ces foules, ces foules / Et la misère et la détresse qui les foulent. » qui résume bien l’essentiel du poème. Une statue Cette fois c’est celle d’un soldat qui apparait le sabre en bel éclair dans le soleil » Le port Description d’un port ou plutôt de la mer qui se trouve là ! Même effet de répétition d’un vers Toute la mer va vers la ville » mouvement constant. Le spectacle Poème sur le spectacle et ses effets. Il se finit logiquement sur la fin du spectacle. Qui sont ces filles qui attendent ? Les promeneuses Poème sur des promeneuses silencieuses qui portent le deuil. Une statue Celle d’un bourgeois représenté de façon négative. Les usines Description de la vie dans celle-ci. Poème sombre. La Bourse Description de la Bourse et de son ambiance fiévreuse et sournoise. Le bazar Le bazar semble agréable mais la nuit Il apparait la bête et de flamme et de bruit / Qui monte épouvanter le silence stellaire » L’étal Les trois vers répétitifs C’est l’étal flasque et monstrueux, / Dressé, depuis toujours, sur les frontières/ Tributaires de la cité et de la mer » résument le poème. Rien ne lui semble réjouissant La révolte Description de la révolte qui soulève la ville. Le masque Poème sur un masque côté caché de l’homme ? Une statue Celle d’un apôtre vie et description de ce qu’il a apporté à la ville. La mort Elle est personnifiée dans ce long poème. La recherche Après s’être attaqué à tous les domaines de la ville, il s’en prend à la science, recherche de la vérité. Les idées Les vers servent de résumé au poème. Vers le futur Déprimant, même le futur ne semble pas heureux. Un homme dans un étui de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Ivanitch Bourkine Mavra Biélikov Kovalienko Barbara Résumé Ivan et Bourkine se préparent à passer la nuit. Ils discutent de Mavra, la femme du staroste. Pour Bourkine, le cas de solitude de Mavra n’est pas un cas isolé. Il raconte l’histoire d’un de ses anciens collègues qui se créait une enveloppe pour se protéger du monde qui lui faisait peur. Il protège aussi sa pensée et ce qui est interdit est ce qui est clair pour lui. Il était troublé par toutes les infractions aux règles. Malgré cela, il a un pouvoir de persuasion sur les gens. Il a du mal à parler alors il vient et reste silencieux. Tout le monde le craint, Biélikov fait peur à tout le village. Bourkine vivait en face de chez Biélikov il est ainsi aussi dans sa vie privée. Il passait de mauvaises nuits, poursuivi par la peur. Cet homme dans un étui a failli se marier avec la sœur d’un collègue. Pourquoi seulement failli ? Biélikov est allé parler à Barbara ! C’est ses collègues qui ont voulu les marier. Ils se demandent si elle accepterait. On les invite partout ensemble. Il accepte d’épouser Barbara. Il réfléchit à tout, le mariage qui est un pas sérieux lui fait peur. Il se renferme encore plus dans son étui. Le frère de Barbare n’aime pas Biélikov. Il ne se soucie pas de qui sa sœur peut épouser. Biélikov est très touché par la méchante caricature de lui. Lors d’une sortie, il voit Barbara et son frère à vélo. Il est choqué et rentre chez lui sans assister à la sortie. Il va voir le frère de Barbara pour s’excuser de la caricature. Il lui conseille de ne plus faire de bicyclette. Kovalienko s’énerve et le chasse en disant que sa vie privée ne regarde que lui. Il se fait littéralement jeté dehors. Il a honte et peur, à cause de cette mésaventure, de devoir démissionner. Biélikov ne sort plus de son lit. Il meurt, il a une expression heureuse dans le cercueil. Les gens se sentent bien de cette mort, ils sont à nouveau libres. D’après Ivan, le fait de vivre c’est être dans un étui. Ivan voudrait raconter une autre histoire car celle-ci l’a perturbée. Bourkine dort, Ivan n’y arrive pas. Le groseillier de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Ivanitch Bourkine Alekhine Pélagie Nicolas Ivanitch Résumé On retrouve Ivan et Bourkine. Ils en ont assez de marcher. Bourkine demande à Ivan de lui raconter l’autre histoire. Il va commencer à raconter son histoire mais une pluie torrentielle s’abat sur eux il leur faut un abri. Ils sont silencieux et ressentent l’inconfort de la pluie. Ils sont très bien accueillis chez Alekhine. Il est servi par Pélagie. Leur ami ne s’est pas lavé depuis longtemps. Ivan nage à l’extérieur sous la pluie. Il va enfin commencer son récit. Il a un frère. Il dit qu’ils se sentaient libres car ils vivaient à la campagne ce qu’Ivan ne comprend ni n’accepte pas. Nicolas veut un groseillier dans sa maison de campagne. Il fait de belles économies qu’il devient avare et ne mange plus à sa faim, etc… Il raconte que Nicolas s’est marié pour l’argent et que sa femme est morte à cause de son avarice. Il achète quand même une maison qui n’est pas de son gout mais tant pis. Il commande des buissons de groseillier. Ivan lui rend visite, il est méconnaissable. Retrouvailles attendrissantes et visite. Son frère a beaucoup changé, il se prend pour un grand seigneur. Ivan a vécu un changement en lui-même lors de sa visite. Nicolas mange les premières groseilles et es trouvent savoureuses ce qui n’est pas le cas d’Ivan. Réflexions sur le bonheur. On n’est heureux que parce que d’autres portent notre fardeau. Il faudrait rappeler aux heureux qu’un malheur est vite arrivé. Ivan se rebelle contre l’idée de devoir attendre pour vivre, pour être libre. Il ne supporte pas de voir une famille heureuse. Ils sont déçus de cette histoire. Alekhine est fatigué mais n’ose pas aller se coucher. Bourkine donne le signal du coucher. Le caméléon de Tchekhov in La peur Personnages principaux Le commissaire Otchoumélov Le bijoutier Khrioukine L’agent Eldyrine Résumé Tout est calme jusqu’à ce que le marchand de bois attrape un chien. Il y a un rassemblement, Otchoumélov va voir ce qui se passe. Le chien a-t’il perdu ? Le bijoutier demande une indemnité. Il veut faire tuer le chien mais il est au général… Il pense alors que le bijoutier fait du cinéma. Quelqu’un dit qu’il a cherché chicane au chien. Quand l’agent qui l’accompagne dit qu’il n’est pas du général, il veut le faire étrangler. Il y a des doutes. Ce n’est pas le chien du général mais celui de son frère donc on ne va rien lui faire. La justice est inégale. La peur de Tchekhov Personnages principaux Le géomètre Gleb Gavrilovitch Smirnov Klim Résumé Gleb Gavrilovitch Smirnov cherche un moyen de transport, il part avec un moujik. Le géomètre n’est pas à l’aise, la charrette n’est pas confortable. Il part quand il fait nuit. Le géomètre a peur d’être attaqué par le cocher, Klim, ou autres. Il ment en disant qu’il a trois révolvers. Où l’emmène Klim ? Il se vante d’être fort. Il a peur du cocher ? Ils se sont mis à galoper dans un bois. En fait, c’est le cocher qui a peur, il croit que le géomètre veut le tuer pour le dépouiller. Il appelle Klim jusqu’à ce que celui-ci apparaisse, effrayé, il lui avoue son mensonge. Le géomètre et Klim repartent. Il n’a plus peur ni de la route ni de Klim. La mort d’un fonctionnaire de Tchekhov in La peur Personnages principaux Ivan Dmitritch Tcherviakov Le général Brizjalov Résumé Tcherviakov est au théâtre, il éternue et asperge un homme devant lui. Il tente de s’excuser. Brizjalov lui dit avoir oublié mais il ne veut pas y croire et se décide à en reparler avec lui. Sa femme l’encourage à s’expliquer. Le général ne tient pas à en parler mais Tcherviakov insiste. Il finit par en avoir marre de se faire rembarré » et veut écrire une lettre. Il n’arrive pas à l’écrire et retourne chez le général qui le chasse. Il rentre chez lui et meurt. SommaireLivre premierChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre deuxièmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIILivre troisièmeChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVILivre premierILa Teuse, en entrant, posa son balai et son plumeau contre l’autel. Elle s’était attardée à mettre en train la lessive du semestre. Elle traversa l’église, pour sonner l’Angélus, boitant davantage dans sa hâte, bousculant les bancs. La corde, près du confessionnal, tombait du plafond, nue, râpée, terminée par un gros nœud, que les mains avaient graissé ; et elle s’y pendit de toute sa masse, à coups réguliers, puis s’y abandonna, roulant dans ses jupes, le bonnet de travers, le sang crevant sa face avoir ramené son bonnet d’une légère tape, essoufflée, la Teuse revint donner un coup de balai devant l’autel. La poussière s’obstinait là, chaque jour, entre les planches mal jointes de l’estrade. Le balai fouillait les coins avec un grondement irrité. Elle enleva ensuite le tapis de la table, et se fâcha, en constatant que la grande nappe supérieure, déjà reprisée en vingt endroits, avait un nouveau trou d’usure au beau milieu ; on apercevait la seconde nappe, pliée en deux, si émincée, si claire elle-même, qu’elle laissait voir la pierre consacrée, encadrée dans l’autel de bois peint. Elle épousseta ces linges roussis par l’usage, promena vigoureusement le plumeau le long du gradin, contre lequel elle releva les cartons liturgiques. Puis, montant sur une chaise, elle débarrassa la croix et deux des chandeliers de leurs housses de cotonnade jaune. Le cuivre était piqué de taches ternes.– Ah bien ! murmura la Teuse à demi-voix, ils ont joliment besoin d’un nettoyage ! Je les passerai au courant sur une jambe, avec des déhanchements et des secousses à enfoncer les dalles, elle alla à la sacristie chercher le Missel, qu’elle plaça sur le pupitre, du côté de l’Épître, sans l’ouvrir, la tranche tournée vers le milieu de l’autel. Et elle alluma les deux cierges. En emportant son balai, elle jeta un coup d’œil autour d’elle, pour s’assurer que le ménage du bon Dieu était bien fait. L’église dormait ; la corde seule, près du confessionnal, se balançait encore, de la voûte au pavé, d’un mouvement long et Mouret venait de descendre à la sacristie, une petite pièce froide, qui n’était séparée de la salle à manger que par un corridor.– Bonjour, monsieur le curé, dit la Teuse en se débarrassant. Ah ! vous avez fait le paresseux, ce matin ! Savez-vous qu’il est six heures un sans donner au jeune prêtre qui souriait le temps de répondre – J’ai à vous gronder, continua-t-elle. La nappe est encore trouée. Ça n’a pas de bon sens ! Nous n’en avons qu’une de rechange, et je me tue les yeux depuis trois jours à la raccommoder… Vous laisserez le pauvre Jésus tout nu, si vous y allez de ce Mouret souriait toujours. Il dit gaiement – Jésus n’a pas besoin de tant de linge, ma bonne Teuse. Il a toujours chaud, il est toujours royalement reçu, quand on l’aime se dirigeant vers une petite fontaine, il demanda – Est-ce que ma sœur est levée ? Je ne l’ai pas vue.– Il y a beau temps que mademoiselle Désirée est descendue, répondit la servante, agenouillée devant un ancien buffet de cuisine, dans lequel étaient serrés les vêtements sacrés. Elle est déjà à ses poules et à ses lapins… Elle attendait hier des poussins qui ne sont pas venus. Vous pensez quelle émotion !Elle s’interrompit, disant – La chasuble d’or, n’est-ce pas ?Le prêtre, qui s’était lavé les mains, recueilli, les lèvres balbutiant une prière, fit un signe de tête affirmatif. La paroisse n’avait que trois chasubles, une violette, une noire et une d’étoffe d’or. Cette dernière, servant les jours où le blanc, le rouge ou le vert étaient prescrits, prenait une importance extraordinaire. La Teuse la souleva religieusement de la planche garnie de papier bleu, où elle la couchait après chaque cérémonie ; elle la posa sur le buffet, enlevant avec précaution les linges fins qui en garantissaient les broderies. Un agneau d’or y dormait sur une croix d’or, entouré de larges rayons d’or. Le tissu, limé aux plis, laissait échapper de minces houpettes ; les ornements en relief se rongeaient et s’effaçaient. C’était, dans la maison, une continuelle inquiétude autour d’elle, une tendresse terrifiée, à la voir s’en aller ainsi paillette à paillette. Le curé devait la mettre presque tous les jours. Et comment la remplacer, comment acheter les trois chasubles dont elle tenait lier, lorsque les derniers fils d’or seraient usés !La Teuse, par-dessus la chasuble, étala l’étole, le manipule, le cordon, l’aube et l’amict. Mais elle continuait à bavarder, tout en s’appliquant à mettre le manipule en croix sur l’étole, et à disposer le cordon en guirlande, de façon à tracer l’initiale révérée du saint nom de Marie.– Il ne vaut plus grand-chose, ce cordon, murmurait-elle. Il faudra vous décider à en acheter un autre, monsieur le curé… Ce n’est pas l’embarras, je vous en tisserais bien un moi-même, si j’avais du Mouret ne répondait pas. Il préparait le calice sur une petite table, un grand vieux calice d’argent doré, à pied de bronze, qu’il venait de prendre au fond d’une armoire de bois blanc, où étaient enfermés les vases et les linges sacrés, les Saintes Huiles, les Missels, les chandeliers, les croix. Il posa en travers de la coupe un purificatoire propre, mit par-dessus ce linge la patène d’argent doré, contenant une hostie, qu’il recouvrit d’une petite pale de lin. Comme il cachait le calice, en pinçant les deux plis du voile d’étoffe d’or, appareillé à la chasuble, la Teuse s’écria – Attendez, il n’y a pas de corporal dans la bourse… J’ai pris hier soir tous les purificatoires, les pales et les corporaux sales pour les blanchir, à part bien sûr, pas dans la lessive… Je ne vous ai pas dit, monsieur le curé je viens de la mettre en train, la lessive. Elle est joliment grasse ! Elle sera meilleure que la dernière pendant que le prêtre glissait un corporal dans la bourse, et qu’il posait sur le voile la bourse, ornée d’une croix d’or sur un fond d’or, elle reprit vivement – À propos, j’oubliais ! ce galopin de Vincent n’est pas venu. Voulez-vous que je serve la messe, monsieur le curé ?Le jeune prêtre la regarda sévèrement.– Eh ! ce n’est pas un péché, continua-t-elle avec son bon sourire. Je l’ai servie une fois, la messe, du temps de monsieur Caffin. Je la sers mieux que des polissons qui rient comme des païens pour une mouche volant dans l’église… Allez, j’ai beau porter un bonnet, avoir soixante ans, être grosse comme une tour, je respecte plus le bon Dieu que ces vermines d’enfant, que j’ai surpris encore, l’autre jour, jouant à saute-mouton derrière l’ prêtre continuait à la regarder, refusant de la tête.– Un trou, ce village, gronda-t-elle. Ils ne sont pas cent cinquante… Il y a des jours, comme aujourd’hui, où vous ne trouveriez pas âme qui vive aux Artaud. Jusqu’aux enfants au maillot qui vont dans les vignes ! Si je sais ce qu’on fait dans les vignes, par exemple ! Des vignes qui poussent sous les cailloux, sèches comme des chardons ! Et un pays de loups, à une lieue de toute route !… À moins qu’un ange ne descende la servir, votre messe, monsieur le curé, vous n’avez que moi, ma parole ! ou un des lapins de mademoiselle Désirée, sauf votre respect !Mais, juste à ce moment, Vincent, le cadet des Brichet, poussa doucement la porte de la sacristie. Ses cheveux rouges en broussaille, ses minces yeux gris qui luisaient, fâchèrent la Teuse.– Ah ! le mécréant ! cria-t-elle, je parie qu’il vient de faire quelque mauvais coup !… Avance donc, polisson, puisque monsieur le curé a peur que je salisse le bon Dieu !En voyant l’enfant, l’abbé Mouret avait pris l’amict. Il baisa la croix brodée au milieu, posa le linge un instant sur sa tête ; puis, le rabattant sur le collet de sa soutane, il croisa et attacha les cordons, le droit par-dessus le gauche. Il passa ensuite l’aube, symbole de pureté, en commençant par le bras droit. Vincent, qui s’était accroupi, tournait autour de lui, ajustant l’aube, veillant à ce qu’elle tombât également de tous les côtés, à deux doigts de terre. Ensuite, il présenta le cordon au prêtre, qui s’en ceignit fortement les reins, pour rappeler ainsi les liens dont le Sauveur fut chargé dans sa Teuse restait debout, jalouse, blessée, faisant effort pour se taire ; mais la langue lui démangeait tellement, qu’elle reprit bientôt – Frère Archangias est venu… Il n’aura pas un enfant, à l’école, aujourd’hui. Il est parti comme un coup de vent, pour aller tirer les oreilles à cette marmaille, dans les vignes… Vous ferez bien de le voir. Je crois qu’il a quelque chose à vous Mouret lui imposa silence de la main. Il n’avait plus ouvert les lèvres. Il récitait les prières consacrées, en prenant le manipule, qu’il baisa, avant de le mettre à son bras gauche, au-dessous du coude, comme un signe indiquant le travail des bonnes œuvres, et en croisant sur sa poitrine, après l’avoir également baisée, l’étole, symbole de sa dignité et de sa puissance. La Teuse dut aider Vincent à fixer la chasuble, qu’elle attacha à l’aide de minces cordons, de façon à ce qu’elle ne retombât pas en arrière.– Sainte Vierge ! j’ai oublié les burettes ! balbutia-t-elle, se précipitant vers l’armoire. Allons, vite, galopin !Vincent emplit les burettes, des fioles de verre grossier, tandis qu’elle se hâtait de prendre un manuterge propre, dans un tiroir. L’abbé Mouret, tenant le calice de la main gauche par le nœud, les doigts de la main droite posés sur la bourse, salua profondément, sans ôter sa barrette, un Christ de bois noir pendu au-dessus du buffet. L’enfant s’inclina également ; puis, passant le premier, tenant les burettes, recouvertes du manuterge, il quitta la sacristie, suivi du prêtre qui marchait les yeux baissés, dans une dévotion vide, était toute blanche, par cette matinée de mai. La corde, près du confessionnal, pendait de nouveau, immobile. La veilleuse, dans un verre de couleur, brûlait, pareille à une tache rouge, à droite du tabernacle, contre le mur. Vincent, après avoir porté les burettes sur la crédence, revint s’agenouiller à gauche, au bas du degré, tandis que le prêtre, ayant salué le Saint-Sacrement d’une génuflexion sur le pavé, montait à l’autel, étalait le corporal, au milieu duquel il plaçait le calice. Puis, ouvrant le Missel, il redescendit. Une nouvelle génuflexion le plia ; il se signa à voix haute, joignit les mains devant la poitrine, commença le grand drame divin, d’une face toute pâle de foi et d’amour.– Introibo ad altare Dei.– Ad Deum qui lœtificat juventutem meam, bredouilla Vincent, qui mangea les réponds de l’antienne et du psaume, le derrière sur les talons, occupé à suivre la Teuse rôdant dans l’ vieille servante regardait un des cierges d’un air inquiet. Sa préoccupation parut redoubler, pendant que le prêtre, incliné profondément, les mains jointes de nouveau, récitait le Confiteor. Elle s’arrêta, se frappant à son tour la poitrine, la tête penchée, continuant à guetter le cierge. La voix grave du prêtre et les balbutiements du servant alternèrent encore pendant un instant.– Dominus vobiscum.– Et cum spiritu le prêtre, élargissant les mains, puis les rejoignant, dit avec une componction attendrie – Oremus…La Teuse ne put tenir davantage. Elle passa derrière l’autel, atteignit le cierge, qu’elle nettoya, du bout de ses ciseaux. Le cierge coulait. Il y avait déjà deux grandes larmes de cire perdues. Quand elle revint, rangeant les bancs, s’assurant que les bénitiers n’étaient pas vides, le prêtre, monté à l’autel, les mains posées au bord de la nappe, priait à voix basse. Il baisa l’ lui, la petite église restait blafarde des pâleurs de la matinée. Le soleil n’était encore qu’au ras des tuiles. Les Kyrie, eleison coururent comme un frisson dans cette sorte d’étable, passée à la chaux, au plafond plat, dont on voyait les poutres badigeonnées. De chaque côté, trois hautes fenêtres, à vitres claires, fêlées, crevées pour la plupart, ouvraient des jours d’une crudité crayeuse. Le plein air du dehors entrait là brutalement, mettant à nu toute la misère du Dieu de ce village perdu. Au fond, au-dessus de la grande porte, qu’on n’ouvrait jamais, et dont des herbes barraient le seuil, une tribune en planches, à laquelle on montait par une échelle de meunier, allait d’une muraille à l’autre, craquant sous les sabots les jours de fête. Près de l’échelle, le confessionnal, aux panneaux disjoints, était peint en jaune citron. En face, à côté de la petite porte, se trouvait le baptistère, un ancien bénitier, posé sur un pied en maçonnerie. Puis, à droite et à gauche, au milieu, étaient plaqués deux minces autels, entourés de balustrades de bois. Celui de gauche, consacré à la sainte Vierge, avait une grande Mère de Dieu en plâtre doré, portant royalement une couronne d’or fermée sur ses cheveux châtains ; elle tenait, assis sur son bras gauche, un Jésus, nu et souriant, dont la petite main soulevait le globe étoilé du monde ; elle marchait au milieu de nuages, avec des têtes d’anges ailées sous les pieds. L’autel de droite, où se disaient les messes de mort, était surmonté d’un Christ en carton peint, faisant pendant à la Vierge ; le Christ, de la grandeur d’un enfant de dix ans, agonisait d’une effrayante façon, la tête rejetée en arrière, les côtes saillantes, le ventre creusé, les membres tordus, éclaboussés de sang. Il y avait encore la chaire, une caisse carrée, où l’on montait par un escabeau de cinq degrés, qui s’élevait vis-à-vis d’une horloge à poids, enfermée dans une armoire de noyer, et dont les coups sourds ébranlaient l’église entière, pareils aux battements d’un cœur énorme, caché quelque part, sous les dalles. Tout le long de la nef, les quatorze stations du chemin de la Croix, quatorze images grossièrement enluminées, encadrées de baguettes noires, tachaient du jaune, du bleu et du rouge de la Passion, la blancheur crue des murs.– Deo gratias, bégaya Vincent, à la fin de l’ mystère d’amour, l’immolation de la sainte victime se préparait. Le servant prit le Missel, qu’il porta à gauche, du côté de l’Évangile, en ayant soin de ne point toucher les feuillets du livre. Chaque fois qu’il passait devant le tabernacle, il faisait de biais une génuflexion qui lui déjetait la taille. Puis, revenu à droite, il se tint debout, les bras croisés, pendant la lecture de l’Évangile. Le prêtre, après avoir fait un signe de croix sur le Missel, s’était signé lui-même au front, pour dire qu’il ne rougirait jamais de la parole divine ; sur la bouche, pour montrer qu’il était toujours prêt à confesser sa foi ; sur son cœur, pour indiquer que son cœur appartenait à Dieu seul.– Dominus vobiscum, dit-il en se tournant, le regard noyé, en face des blancheurs froides de l’église.– Et cum spiritu tuo, répondit Vincent, qui s’était remis à avoir récité l’Offertoire, le prêtre découvrit le calice. Il tint un instant, à la hauteur de sa poitrine, la patène contenant l’hostie, qu’il offrit à Dieu, pour lui, pour les assistants, pour tous les fidèles vivants ou morts. Puis, l’ayant fait glisser au bord du corporal, sans la toucher des doigts, il prit le calice, qu’il essuya soigneusement avec le purificatoire. Vincent était allé chercher sur la crédence les burettes, qu’il présenta l’une après l’autre, la burette du vin d’abord, ensuite la burette de l’eau. Le prêtre offrit alors, pour le monde entier, le calice à demi plein, qu’il remit au milieu du corporal, où il le recouvrit de la pale. Et, ayant prié encore, il revint se faire verser de l’eau par minces filets sur les extrémités du pouce et de l’index de chaque main, afin de se purifier des moindres taches du péché. Quand il se fut essuyé au manuterge, la Teuse, qui attendait, vida le plateau des burettes dans un seau de zinc, au coin de l’autel.– Orate, fratres, reprit le prêtre à voix haute, tourné vers les bancs vides, les mains élargies et rejointes, dans un geste d’appel aux hommes de bonne se retournant devant l’autel, il continua, en baissant la voix. Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. Ce fut alors que des flammes jaunes entrèrent par les fenêtres. Le soleil, à l’appel du prêtre, venait à la messe. Il éclaira de larges nappes dorées la muraille gauche, le confessionnal, l’autel de la Vierge, la grande horloge. Un craquement secoua le confessionnal ; la Mère de Dieu, dans une gloire, dans l’éblouissement de sa couronne et de son manteau d’or, sourit tendrement à l’enfant Jésus, de ses lèvres peintes ; l’horloge, réchauffée, battit l’heure, à coups plus vifs. Il sembla que le soleil peuplait les bancs des poussières qui dansaient dans ses rayons. La petite église, l’étable blanchie, fut comme pleine d’une foule tiède. Au-dehors, on entendait les petits bruits du réveil heureux de la campagne, les herbes qui soupiraient d’aise, les feuilles s’essuyant dans la chaleur, les oiseaux lissant leurs plumes, donnant un premier coup d’ailes. Même la campagne entrait avec le soleil à une des fenêtres, un gros sorbier se haussait, jetant des branches par les carreaux cassés, allongeant ses bourgeons, comme pour regarder à l’intérieur ; et, par les fentes de la grande porte, on voyait les herbes du perron, qui menaçaient d’envahir la nef. Seul, au milieu de cette vie montante, le grand Christ, resté dans l’ombre, mettait la mort, l’agonie de sa chair barbouillée d’ocre, éclaboussée de laque. Un moineau vint se poser au bord d’un trou ; il regarda, puis s’envola ; mais il reparut presque aussitôt, et, d’un vol silencieux, s’abattit entre les bancs, devant l’autel de la Vierge. Un second moineau le suivit. Bientôt, de toutes les branches du sorbier, des moineaux descendirent, se promenant tranquillement à petits sauts, sur les dalles.– Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus, Deus, Sabaoth, dit le prêtre à demi-voix, les épaules légèrement donna les trois coups de clochette. Mais les moineaux, effrayés de ce tintement brusque, s’envolèrent avec un tel bruit d’ailes, que la Teuse, rentrée depuis un instant dans la sacristie, reparut, en grondant – Les gueux ! ils vont tout salir… Je parie que mademoiselle Désirée est encore venue leur mettre des mies de redoutable approchait. Le corps et le sang d’un Dieu allait descendre sur l’autel. Le prêtre baisait la nappe, joignait les mains, multipliait les signes de croix sur l’hostie et sur le calice. Les prières du canon ne tombaient plus de ses lèvres que dans une extase d’humilité et de reconnaissance. Ses attitudes, ses gestes, ses inflexions de voix, disaient le peu qu’il était, l’émotion qu’il éprouvait à être choisi pour une si grande tâche. Vincent vint s’agenouiller derrière lui ; il prit la chasuble de la main gauche, la soutint légèrement, apprêtant la clochette. Et lui, les coudes appuyés au bord de la table, tenant l’hostie entre le pouce et l’index de chaque main, prononça sur elle les paroles de la consécration Hoc est enim corpus meum. Puis, ayant fait une génuflexion, il l’éleva lentement, aussi haut qu’il put, en la suivant des yeux, pendant que le servant sonnait, à trois fois, prosterné. Il consacra ensuite le vin Hic est enim calix, les coudes de nouveau sur l’autel, saluant, élevant le calice, le suivant à son tour des yeux, la main droite serrant le nœud, la gauche soutenant le pied. Le servant donna trois derniers coups de clochette. Le grand mystère de la Rédemption venait d’être renouvelé, le Sang adorable coulait une fois de plus.– Attendez, attendez, gronda la Teuse, en tâchant d’effrayer les moineaux, le poing les moineaux n’avaient plus peur. Ils étaient revenus, au beau milieu des coups de clochette, effrontés, voletant sur les bancs. Les tintements répétés les avaient même mis en joie. Ils répondirent par de petits cris, qui coupaient les paroles latines d’un rire perlé de gamins libres. Le soleil leur chauffait les plumes, la pauvreté douce de l’église les enchantait. Ils étaient là chez eux, comme dans une grange, dont on aurait laissé une lucarne ouverte, piaillant, se battant, se disputant les mies rencontrées à terre. Un d’eux alla se poser sur le voile d’or de la Vierge qui souriait ; un autre vint, lestement, reconnaître les jupes de la Teuse, que cette audace mit hors d’elle. À l’autel, le prêtre anéanti, les yeux arrêtés sur la sainte hostie, le pouce et l’index joints, n’entendait point cet envahissement de la nef par la tiède matinée de mai, ce flot montant de soleil, de verdures, d’oiseaux, qui débordait jusqu’au pied du Calvaire où la nature damnée agonisait.– Per omnia sœcula sœculorum, dit-il.– Amen, répondit Pater achevé, le prêtre, mettant l’hostie au-dessus du calice, la rompit au milieu. Il détacha ensuite, d’une des moitiés, une particule qu’il laissa tomber dans le précieux Sang, pour marquer l’union intime qu’il allait contracter avec Dieu par la communion. Il dit à haute voix l’Agnus Dei, récita tout bas les trois Oraisons prescrites, fit son acte d’indignité ; et, les coudes sur l’autel, la patène sous le menton, il communia des deux parties de l’hostie à la fois. Puis, après avoir joint les mains à la hauteur de son visage, dans une fervente méditation, il recueillit sur le corporal, à l’aide de la patène, les saintes parcelles détachées de l’hostie, qu’il mit dans le calice. Une parcelle s’étant également attachée à son pouce, il le frotta du bout de son index. Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patène sous son menton, il prit tout le précieux Sang, en trois fois, sans quitter des lèvres le bord de la coupe, consommant jusqu’à la dernière goutte le divin s’était levé pour retourner chercher les burettes sur la crédence. Mais la porte du couloir qui conduisait au presbytère, s’ouvrit toute grande, se rabattit contre le mur, livrant passage à une belle fille de vingt-deux ans, l’air enfant, qui cachait quelque chose dans son tablier.– Il y en a treize ! cria-t-elle. Tous les œufs étaient bons !Et entrouvrant son tablier, montrant une couvée de poussins qui grouillaient, avec leurs plumes naissantes et les points noirs de leurs yeux – Regardez donc ! sont-ils mignons, les amours !… Oh ! le petit blanc qui monte sur le dos des autres ! Et celui-là, le moucheté, qui bat déjà des ailes !… Les œufs étaient joliment bons. Pas un de clair !La Teuse, qui aidait à la messe quand même, passant les burettes à Vincent pour les ablutions, se tourna, dit à haute voix – Taisez-vous donc, mademoiselle Désirée ! Vous voyez bien que nous n’avons pas odeur forte de basse-cour venait par la porte ouverte, soufflant comme un ferment d’éclosion dans l’église, dans le soleil chaud qui gagnait l’autel. Désirée resta un instant debout, toute heureuse du petit monde qu’elle portait, regardant Vincent verser le vin de la purification, regardant son frère boire ce vin, pour que rien des saintes espèces ne restât dans sa bouche. Et elle était encore là, lorsqu’il revint tenant le calice à deux mains, afin de recevoir sur le pouce et sur l’index, le vin et l’eau de l’ablution, qu’il but également. Mais la poule, cherchant ses petits, arrivait en gloussant, menaçait d’entrer dans l’église. Alors, Désirée s’en alla, avec des paroles maternelles pour les poussins, au moment où le prêtre, après avoir appuyé le purificatoire sur ses lèvres, le passait sur les bords, puis dans l’intérieur du la fin, les actions de grâce rendues à Dieu. Le servant alla chercher une dernière fois le Missel, le rapporta à droite. Le prêtre remit sur le calice le purificatoire, la patène, la pale ; puis, il pinça de nouveau les deux larges plis du voile, et posa la bourse, dans laquelle il avait plié le corporal. Tout son être était un ardent remerciement. Il demandait au ciel la rémission de ses péchés, la grâce d’une sainte vie, le mérite de la vie éternelle. Il restait abîmé dans ce miracle d’amour, dans cette immolation continue qui le nourrissait chaque jour du sang et de la chair de son avoir lu les Oraisons, il se tourna, disant – Ite, missa est.– Deo gratias, répondit s’étant retourné pour baiser l’autel, il revint, la main gauche audessous de la poitrine, la main droite tendue, bénissant l’église pleine des gaietés du soleil et du tapage des moineaux.– Benedicat vos omnipotens Deus, Pater et Filius, et Spiritus Sanctus.– Amen, dit le servant en se soleil avait grandi, et les moineaux s’enhardissaient. Pendant que le prêtre lisait, sur le carton de gauche, l’Évangile de Saint-Jean, annonçant l’éternité du Verbe, le soleil enflammait l’autel, blanchissait les panneaux de faux-marbre, mangeait les clartés des deux cierges, dont les courtes mèches ne faisaient plus que deux taches sombres. L’astre triomphant mettait dans sa gloire la croix, les chandeliers, la chasuble, le voile du calice, tout cet or pâlissant sous ses rayons. Et lorsque le prêtre, prenant le calice, faisant une génuflexion, quitta l’autel pour retourner à la sacristie, la tête couverte, précédé du servant qui remportait les burettes et le manuterge, l’astre demeura seul maître de l’église. Il s’était posé à son tour sur la nappe, allumant d’une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. Une chaleur montait des dalles. Les murailles badigeonnées, la grande Vierge, le grand Christ lui-même, prenaient un frisson de sève, comme si la mort était vaincue par l’éternelle jeunesse de la Teuse se hâta d’éteindre les cierges. Mais elle s’attarda à vouloir chasser les moineaux. Aussi, quand elle rapporta le Missel à la sacristie, ne trouva-t-elle plus l’abbé Mouret, qui avait rangé les ornements sacrés, après s’être lavé les mains. Il était déjà dans la salle à manger, debout, déjeunant d’une tasse de lait.– Vous devriez bien empêcher votre sœur de jeter du pain dans l’église, dit la Teuse en entrant. C’est l’hiver dernier qu’elle a inventé ce joli coup-là. Elle disait que les moineaux avaient froid, que le bon Dieu pouvait bien les nourrir… Vous verrez qu’elle finira par nous faire coucher avec ses poules et ses lapins.– Nous aurions plus chaud, répondit gaiement le jeune prêtre. Vous grondez toujours, la Teuse. Laissez donc notre pauvre Désirée aimer ses bêtes. Elle n’a pas d’autre plaisir, la chère servante se planta au milieu de la pièce.– Oh ! vous ! reprit-elle, vous accepteriez que les pies elles-mêmes bâtissent leurs nids dans l’église. Vous ne voyez rien, vous trouvez tout parfait… Votre sœur est joliment heureuse que vous l’ayez prise avec vous, au sortir du séminaire. Pas de père, pas de mère. Je voudrais savoir qui lui permettrait de patauger comme elle le fait, dans une basse-cour ?Puis, changeant de ton, s’attendrissant – Ça, bien sûr, ce serait dommage de la contrarier. Elle est sans malice aucune. Elle n’a pas dix ans d’âge, bien qu’elle soit une des plus fortes filles du pays… Vous savez, je la couche encore, le soir, et il faut que je lui raconte des histoires pour l’endormir, comme à une Mouret était resté debout, achevant sa tasse de lait, les doigts un peu rougis par la fraîcheur de la salle à manger, une grande pièce carrelée, peinte en gris, sans autres meubles qu’une table et des chaises. La Teuse enleva une serviette, qu’elle avait étalée sur un coin de la table, pour le déjeuner.– Vous ne salissez guère de linge, murmura-t-elle. On dirait que vous ne pouvez pas vous asseoir, que vous êtes toujours sur le point de partir… Ah ! si vous aviez connu monsieur Caffin, le pauvre défunt curé que vous avez remplacé ! Voilà un homme qui était douillet ! Il n’aurait pas digéré, s’il avait mangé debout… C’était un Normand, de Canteleu, comme moi. Oh ! je ne le remercie pas de m’avoir amené dans ce pays de loups. Les premiers temps, nous sommes-nous ennuyés, bon Dieu ! Le pauvre curé avait eu des histoires bien désagréables chez nous… Tiens ! monsieur Mouret, vous n’avez donc pas sucré votre lait ? Voilà les deux morceaux de prêtre posait sa tasse.– Oui, j’ai oublié, je crois, Teuse le regarda en face, en haussant les épaules. Elle plia dans la serviette une tartine de pain bis qui était également restée sur la table. Puis, comme le curé allait sortir, elle courut à lui, s’agenouilla, en criant – Attendez, les cordons de vos souliers ne sont seulement pas noués… Je ne sais pas comment vos pieds résistent, dans ces souliers de paysans. Vous, si mignon, qui avez l’air d’avoir été drôlement gâté !… Allez, il fallait que l’évêque vous connût bien, pour vous donner la cure la plus pauvre du département.– Mais, dit le prêtre en souriant de nouveau, c’est moi qui ai choisi les Artaud… Vous êtes bien mauvaise, ce matin, la Teuse. Est-ce que nous ne sommes pas heureux, ici ? Nous avons tout ce qu’il nous faut, nous vivons dans une paix de elle se contint, elle rit à son tour, répondant – Vous êtes un saint homme, monsieur le curé… Venez voir comme ma lessive est grasse. Ça vaudra mieux que de nous dut la suivre, car elle menaçait de ne pas le laisser sortir, s’il ne la complimentait sur sa lessive. Il quittait la salle à manger, lorsqu’il se heurta à un plâtras, dans le corridor.– Qu’est-ce donc ? demanda-t-il.– Rien, répondit la Teuse, de son air terrible. C’est le presbytère qui tombe. Mais vous vous trouvez bien, vous avez tout ce qu’il vous faut… Ah ! Dieu, les crevasses ne manquent pas. Regardez-moi ce plafond. Est-il assez fendu ! Si nous ne sommes pas écrasés un de ces jours, nous devrons un fameux cierge à notre ange gardien. Enfin, puisque ça vous convient… C’est comme l’église. Il y a deux ans qu’on aurait dû remettre les carreaux cassés. L’hiver, le bon Dieu gèle. Puis, ça empêcherait d’entrer ces gueux de moineaux. Je finirai par coller du papier, moi, je vous en avertis.– Eh ! c’est une idée, murmura le prêtre, on pourrait coller du papier… Quant aux murs, ils sont plus solides qu’on ne croit. Dans ma chambre, le plancher a fléchi seulement devant la fenêtre. La maison nous enterrera sous le petit hangar, près de la cuisine, il s’extasia sur l’excellence de la lessive, voulant faire plaisir à la Teuse ; il fallut même qu’il la sentit, qu’il mit les doigts dedans. Alors, la vieille femme, enchantée, se montra maternelle. Elle ne gronda plus, elle courut chercher une brosse, disant – Vous n’allez peut-être pas sortir avec de la boue d’hier à votre soutane ! Si vous l’aviez laissée sur la rampe, elle serait propre… Elle est encore bonne, cette soutane. Seulement, relevez-la bien, quand vous traversez un champ. Les chardons déchirent elle le faisait tourner, comme un enfant, le secouant des pieds à la tête, sous les coups violents de la brosse.– La, la, c’est assez, dit-il en s’échappant. Veillez sur Désirée, n’est-ce pas ? Je vais lui dire que je à ce moment, une voix claire appela – Serge ! Serge !Désirée arrivait en courant, toute rouge de joie, tête nue, ses cheveux noirs noués puissamment sur la nuque, avec des mains et des bras couverts de fumier, jusqu’aux coudes. Elle nettoyait ses poules. Quand elle vit son frère sur le point de sortir, son bréviaire sous le bras, elle rit plus fort, l’embrassant à pleine bouche, rejetant les mains en arrière, pour ne pas le toucher.– Non, non, balbutiait-elle, je te salirais… Oh ! je m’amuse ! Tu verras les bêtes, quand tu elle se sauva. L’abbé Mouret dit qu’il rentrerait vers onze heures, pour le déjeuner. Il partait, lorsque la Teuse, qui l’avait accompagné jusqu’au seuil, lui cria ses dernières recommandations.– N’oubliez pas de voir Frère Archangias… Passez aussi chez les Brichet ; la femme est venue hier, toujours pour ce mariage… Monsieur le curé, écoutez donc ! J’ai rencontré la Rosalie. Elle ne demanderait pas mieux, elle, que d’épouser le grand Fortuné. Parlez au père Bambousse, peut-être qu’il vous écoutera maintenant… Et ne revenez pas à midi, comme l’autre jour. À onze heures, dites, à onze heures, n’est-ce pas ?Mais le prêtre ne se tournait plus. Elle rentra, en disant entre ses dents – Si vous croyez qu’il m’écoute !… Ça n’a pas vingt-six ans, et ça n’en fait qu’à sa tête. Bien sûr, il en remontrerait pour la sainteté à un homme de soixante ans ; mais il n’a point vécu, il ne sait rien, il n’a pas de peine à être sage comme un chérubin, ce l’abbé Mouret ne sentit plus la Teuse derrière lui, il s’arrêta, heureux d’être enfin seul. L’église était bâtie sur un tertre peu élevé, qui descendait en pente douce jusqu’au village ; elle s’allongeait, pareille à une bergerie abandonnée, percée de larges fenêtres, égayée par des tuiles rouges. Le prêtre se retourna, jetant un coup d’œil sur le presbytère, une masure grisâtre, collée au flanc même de la nef ; puis, comme s’il eût craint d’être repris par l’intarissable bavardage bourdonnant à ses oreilles depuis le matin, il remonta à droite, il ne se crut en sûreté que devant le grand portail, où l’on ne pouvait l’apercevoir de la cure. La façade de l’église, toute nue, rongée par les soleils et les pluies, était surmontée d’une étroite cage en maçonnerie, au milieu de laquelle une petite cloche mettait son profil noir ; on voyait le bout de la corde, entrant dans les tuiles. Six marches rompues, à demi enterrées par un bout, menaient à la haute porte ronde, crevassée, mangée de poussière, de rouille, de toiles d’araignées, si lamentable sur ses gonds rompus, que les coups de vent semblaient devoir entrer, au premier souffle. L’abbé Mouret, qui avait des tendresses pour cette ruine, alla s’adosser contre un des vantaux, sur le perron. De là, il embrassait d’un coup d’œil tout le pays. Les mains aux yeux, il regarda, il chercha au loin.– Bambousse doit être à sa terre des Olivettes, mai, une végétation formidable, que brûlerait bientôt le ciel ardent de juin, crevait ce sol de cailloux. Des lavandes colossales, des buissons de genévriers, des nappes d’herbes rudes, montaient sur le perron, plantaient des bouquets de verdure sombre jusque sur les tuiles. La première poussée de la sève menaçait d’emporter l’église, dans le dur taillis des plantes noueuses, qui se coulaient au bord des moindres fissures, qui arrachaient les pierres sous les longs doigts nerveux de leurs racines. À cette heure matinale, en plein travail de croissance, c’était un bourdonnement de chaleur, un long effort silencieux soulevant les roches d’un frisson. Mais l’abbé ne sentait pas l’entêtement de vie, l’ardeur de ces couches laborieuses ; il crut que la marche basculait ; il s’adossa à l’autre battant de la porte, cherchant toujours au pays s’étendait à deux lieues, fermé par un mur de collines jaunes, que des bois de pins tachaient de noir ; pays terrible aux landes séchées, aux arêtes rocheuses déchirant le sol. Les quelques coins de terre labourable étalaient des mares saignantes, des champs rouges, où s’alignaient des files d’amandiers maigres, des têtes grises d’oliviers, des traînées de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes. On aurait dit qu’un immense incendie avait passé là, semant sur les hauteurs les cendres des forêts, brûlant les prairies, laissant son éclat et sa chaleur de fournaise dans les creux. À peine, de loin en loin, le vert pâle d’un carré de blé mettait-il une note tendre. L’horizon restait farouche, sans un filet d’eau, mourant de soif, s’envolant par grandes poussières aux moindres haleines. Et, tout au bout, par un coin écroulé des collines de l’horizon, on apercevait un lointain de verdures humides, une échappée de la vallée voisine, que fécondait la Viorne, une rivière descendue des gorges de la Mouret, ne trouvant pas ce qu’il cherchait au loin, les yeux éblouis, abaissa les regards sur le village, dont les quelques maisons s’en allaient à la débandade, en bas de l’église. Misérables maisons, faites de pierres sèches et de planches maçonnées, jetées le long d’un étroit chemin, sans rues indiquées. Elles étaient au nombre d’une trentaine, les unes tassées dans le fumier, noires de misère, les autres plus vastes, plus gaies, avec leurs tuiles roses. Des bouts de jardin, conquis sur le roc, étalaient des carrés de légumes, coupés de haies vives. À cette heure, les Artaud étaient vides ; pas une femme aux fenêtres, pas un enfant vautré dans la poussière ; seules, des bandes de poules allaient et venaient, fouillant la paille, quêtant jusqu’au seuil des maisons, dont les portes laissées ouvertes bâillaient complaisamment au soleil. Un grand chien noir, assis sur son derrière, à l’entrée du village, semblait le garder.– Voriau ! Voriau ! appela le le chien ne bougea pas. Une paresse engourdissait peu à peu l’abbé Mouret. Le soleil montant le baignait d’une telle tiédeur, qu’il se laissait aller contre la porte de l’église, envahi par une paix heureuse. Il songeait à ce village des Artaud, poussé là, dans les pierres, ainsi qu’une des végétations noueuses qui l’entouraient. Tous les habitants étaient parents, tous portaient le même nom, si bien qu’ils prenaient des surnoms dès le berceau, pour se distinguer entre eux. Un ancêtre, un Artaud, était venu, qui s’était fixé au milieu de cette lande, comme un paria ; puis, sa famille avait grandi, avec la vitalité farouche des herbes qui sucent la vie des rochers ; sa famille avait fini par être toute une tribu, toute une commune, dont les cousinages se perdaient, remontaient à des siècles. C’était, au fond de cette ceinture désolée de collines, un peuple à part, une race née du sol, une humanité de cent cinquante têtes qui semblait recommencer les gardait toute l’ombre morte du séminaire. Il voulait rester dans la clarté effacée de sa cellule, dans le silence des corridors, dans le recueillement de cet ancien couvent de Plassans, où pas un souffle ne vivait. Pendant des années, il n’avait pas connu le soleil. Il l’ignorait même encore, les yeux fermés, fixés sur l’âme, n’ayant que du mépris pour la nature damnée. Longtemps, aux heures de recueillement, lorsque la méditation le prosternait, il avait rêvé un désert d’ermite, quelque trou dans une montagne, où rien de la vie, ni être, ni plante, ni eau, ne le viendrait distraire de la contemplation de Dieu. C’était un élan d’amour pur, une horreur de la sensation physique. Là, mourant à lui-même, le dos tourné à la lumière, il aurait attendu de n’être plus, de se perdre dans la souveraine blancheur des âmes. Le ciel lui apparaissait tout blanc, d’un blanc de lumière, comme s’il neigeait des lis, comme si toutes les puretés, toutes les innocences, toutes les chastetés flambaient. Mais son confesseur le grondait, quand il lui racontait ses désirs de solitude, ses besoins de candeur divine ; il le rappelait aux luttes de l’église, aux nécessités du sacerdoce. Plus tard, après son ordination, le jeune prêtre était venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l’espoir de réaliser son rêve d’anéantissement humain. Au milieu de cette misère, sur ce sol stérile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans l’oubli, dans le sommeil des saints. Et, depuis plusieurs mois, en effet, il demeurait souriant ; à peine un frisson du village le troublait-il de loin en loin ; à peine une morsure plus chaude du soleil le prenait-elle à la nuque, lorsqu’il suivait les sentiers, tout au ciel, sans entendre l’enfantement continu au milieu duquel il venait de se décider à monter auprès de l’abbé Mouret. Il s’était assis de nouveau sur son derrière, à ses pieds. Mais celui-ci restait perdu dans la douceur du matin. La veille, il avait commencé les exercices du Rosaire de Marie ; il attribuait la grande joie qui descendait en lui à l’intercession de la Vierge auprès de son divin Fils. Et que les biens de la terre lui semblaient méprisables ! Avec quelle reconnaissance il se sentait pauvre ! En entrant dans les ordres, ayant perdu son père et sa mère le même jour, à la suite d’un drame dont il ignorait encore les épouvantes, il avait laissé à un frère aîné toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que par sa sœur. Il s’était chargé d’elle, pris d’une sorte de tendresse religieuse pour sa tête faible. La chère innocente était si puérile, si petite fille, qu’elle lui apparaissait avec la pureté de ces pauvres d’esprit, auxquels l’Évangile accorde le royaume des cieux. Cependant, elle l’inquiétait depuis quelque temps ; elle devenait trop forte, trop saine ; elle sentait trop la vie. Mais c’était à peine un malaise. Il passait ses journées dans l’existence intérieure qu’il s’était faite, ayant tout quitté pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait à s’affranchir des nécessités du corps, n’était plus qu’une âme ravie par la contemplation. La nature ne lui présentait que pièges, qu’ordures ; il mettait sa gloire à lui faire violence, à la mépriser, à se dégager de sa boue humaine. Le juste doit être insensé selon le monde. Aussi se regardait-il comme un étranger, comme un exilé sur la terre, n’envisageant que les biens célestes, ne pouvant comprendre qu’on mît en balance une éternité de félicité avec quelques heures d’une joie périssable. Sa raison le trompait, ses désirs mentaient. Et s’il avançait dans la vertu, c’était surtout par son humilité et son obéissance. Il voulait être le dernier de tous, soumis à tous, pour que la rosée divine tombât sur son cœur comme sur un sable aride ; il se disait couvert d’opprobre et de confusion, indigne à jamais d’être sauvé du péché, n’espérant que dans la bonté du ciel. Être humble, c’est croire, c’est aimer. Il ne dépendait même plus de lui-même, aveugle, sourd, chair morte. Il était la chose de Dieu. Alors, de cette abjection où il s’enfonçait, un hosanna l’emportait au-dessus des heureux et des puissants, dans le resplendissement d’un bonheur sans Artaud, l’abbé Mouret avait ainsi trouvé les ravissements du cloître, si ardemment souhaités jadis, à chacune de ses lectures de l’Imitation. Rien en lui n’avait encore combattu. Il était parfait, dès le premier agenouillement, sans lutte, sans secousse, comme foudroyé par la grâce, dans l’oubli absolu de sa chair. Extase de l’approche de Dieu que connaissent quelques jeunes prêtres ; heure bienheureuse où tout se tait, où les désirs ne sont qu’un immense besoin de pureté. Il n’avait mis sa consolation chez aucune créature. Lorsqu’on croit qu’une chose est tout, on ne saurait être ébranlé, et il croyait que Dieu était tout, que son humilité, son obéissance, sa chasteté, étaient tout. Il se souvenait d’avoir entendu parler de la tentation comme d’une torture abominable qui éprouve les plus saints. Lui, souriait. Dieu ne l’avait jamais abandonné. Il marchait dans sa foi, ainsi que dans une cuirasse qui le protégeait contre les moindres souffles mauvais. Il se rappelait qu’à huit ans il pleurait d’amour, dans les coins ; il ne savait pas qui il aimait ; il pleurait parce qu’il aimait quelqu’un, bien loin. Toujours il était resté attendri. Plus tard, il avait voulu être prêtre, pour satisfaire ce besoin d’affection surhumaine qui faisait son seul tourment. Il ne voyait pas où aimer davantage. Il contentait là son être, ses prédispositions de race, ses rêves d’adolescent, ses premiers désirs d’homme. Si la tentation devait venir, il l’attendait avec sa sérénité de séminariste ignorant. On avait tué l’homme en lui, il le sentait, il était heureux de se savoir à part, créature châtrée, déviée, marquée de la tonsure ainsi qu’une brebis du le soleil chauffait la grande porte de l’église. Des mouches dorées bourdonnaient autour d’une grande fleur qui poussait entre deux des marches du perron. L’abbé Mouret, un peu étourdi, se décidait à s’éloigner, lorsque Voriau s’élança, en aboyant violemment, vers la grille du petit cimetière, qui se trouvait à gauche de l’église. En même temps, une voix âpre cria – Ah ! vaurien, tu manques l’école, et c’est dans le cimetière qu’on te trouve !… Ne dis pas non ! Il y a un quart d’heure que je te prêtre s’avança. Il reconnut Vincent, qu’un Frère des écoles chrétiennes tenait rudement par une oreille. L’enfant se trouvait comme suspendu au-dessus d’un gouffre qui longeait le cimetière, et au fond duquel coulait le Mascle, un torrent dont les eaux blanches allaient, à deux lieues de là, se jeter dans la Viorne.– Frère Archangias ! dit doucement l’abbé, pour inviter le terrible homme à l’ le Frère ne lâchait pas l’oreille.– Ah ! c’est vous, monsieur le curé, gronda-t-il. Imaginez-vous que ce gredin est toujours fourré dans le cimetière. Je ne sais pas quel mauvais coup il peut faire ici… Je devrais le lâcher pour qu’il allât se casser la tête, là-bas, au fond. Ce serait bien ne soufflait mot, cramponné aux broussailles, les yeux sournoisement fermés.– Prenez garde, Frère Archangias, reprit le prêtre ; il pourrait il aida lui-même Vincent à remonter.– Voyons, mon petit ami, que faisais-tu là ? On ne doit pas jouer dans les galopin avait ouvert les yeux, s’écartant peureusement du Frère, se mettant sous la protection de l’abbé Mouret.– Je vais vous dire, murmura-t-il en levant sa tête futée vers celui-ci. Il y a un nid de fauvettes dans les ronces, dessous cette roche. Voici plus de dix jours que je le guette… Alors, comme les petits sont éclos, je suis venu, ce matin, après avoir servi votre messe…– Un nid de fauvettes ! dit Frère Archangias. Attends, attends !Il s’écarta, chercha sur une tombe une motte de terre, qu’il revint jeter dans les ronces. Mais il manqua le nid. Une seconde motte lancée plus adroitement bouscula le frêle berceau, jeta les petits au torrent.– De cette façon, continua-t-il en se tapant les mains pour les essuyer, tu ne viendras peut-être plus rôder ici comme un païen… Les morts iront te tirer les pieds, la nuit, si tu marches encore sur qui avait ri de voir le nid faire le plongeon, regarda autour de lui, avec le haussement d’épaules d’un esprit fort.– Oh ! je n’ai pas peur, dit-il. Les morts, ça ne bouge cimetière, en effet, n’avait rien d’effrayant. C’était un terrain nu, où d’étroites allées se perdaient sous l’envahissement des herbes. Des renflements bossuaient la terre, de place en place. Une seule pierre, debout, toute neuve, la pierre de l’abbé Caffin, mettait sa découpure blanche, au milieu. Rien autre que des bras de croix arrachés, des buis séchés, de vieilles dalles enterrées, mangées de mousse. On n’enterrait pas deux fois l’an. La mort ne semblait point habiter ce sol vague, où la Teuse venait, chaque soir, emplir son tablier d’herbe pour les lapins de Désirée. Un cyprès gigantesque, planté à la porte, promenait seul son ombre sur le champ désert. Ce cyprès, qu’on voyait de trois lieues à la ronde, était connu de toute la contrée sous le nom du Solitaire.– C’est plein de lézards, ajouta Vincent, qui regardait le mur crevassé de l’église. On s’amuserait joliment…Mais il sortit d’un bond, en voyant le Frère allonger le pied. Celui-ci fit remarquer au curé le mauvais état de la grille. Elle était toute rongée de rouille, un gond descellé, la serrure brisée.– On devrait réparer cela, Mouret sourit, sans répondre. Et, s’adressant à Vincent, qui se battait avec Voriau – Dis, petit ? demanda-t-il, sais-tu où travaille le père Bambousse, ce matin ?L’enfant jeta un coup d’œil sur l’horizon.– Il doit être à son champ des Olivettes, répondit-il, la main tendue vers la gauche… D’ailleurs, Voriau va vous conduire, monsieur le curé. Il sait sûrement où est son maître, il tapa dans ses mains, criant – Eh ! Voriau ! eh !Le grand chien noir hésita un instant, la queue battante, cherchant à lire dans les yeux du gamin. Puis, aboyant de joie, il descendit vers le village. L’abbé Mouret et Frère Archangias le suivirent, en causant. Cent pas plus loin, Vincent les quittait sournoisement, remontant vers l’église, les surveillant, prêt à se jeter derrière un buisson, s’ils tournaient la tête. Avec une souplesse de couleuvre, il se glissa de nouveau dans le cimetière, ce paradis où il y avait des nids, des lézards, des tandis que Voriau les devançait sur la route poudreuse, Frère Archangias disait au prêtre, de sa voix irritée – Laissez donc ! monsieur le curé, de la graine de damnés, ces crapaudslà ! On devrait leur casser les reins, pour les rendre agréables à Dieu. Ils poussent dans l’irréligion, comme leurs pères. Il y a quinze ans que je suis ici, et je n’ai pas encore pu faire un chrétien. Dès qu’ils sortent de mes mains, bonsoir ! Ils sont tout à la terre, à leurs vignes, à leurs oliviers. Pas un qui mette le pied à l’église. Des brutes qui se battent avec leurs champs de cailloux !… Menez-moi ça à coups de bâton, monsieur le curé, à coups de bâton !Puis, reprenant haleine, il ajouta, avec un geste terrible – Voyez-vous, ces Artaud, c’est comme ces ronces qui mangent les rocs, ici. Il a suffi d’une souche pour que le pays fût empoisonné. Ça se cramponne, ça se multiplie, ça vit quand même. Il faudra le feu du ciel, comme à Gomorrhe, pour nettoyer ça.– On ne doit jamais désespérer des pécheurs, dit l’abbé Mouret, qui marchait à petits pas, dans sa paix intérieure.– Non, ceux-là sont au diable, reprit plus violemment le Frère. J’ai été paysan comme eux. Jusqu’à dix-huit ans, j’ai pioché la terre. Et plus tard, à l’Institution, j’ai balayé, épluché des légumes, fait les plus gros travaux. Ce n’est pas leur rude besogne que je leur reproche. Au contraire, Dieu préfère ceux qui vivent dans la bassesse… Mais les Artaud se conduisent en bêtes, voyez-vous ! Ils sont comme leurs chiens qui n’assistent pas à la messe, qui se moquent des commandements de Dieu et de l’Église. Ils forniqueraient avec leurs pièces de terre, tant ils les aiment !Voriau, la queue au vent, s’arrêtait, reprenait son trot, après s’être assuré que les deux hommes le suivaient toujours.– Il y a des abus déplorables, en effet, dit l’abbé Mouret. Mon prédécesseur, l’abbé Caffin…– Un pauvre homme, interrompit le Frère. Il nous est arrivé de Normandie, à la suite d’une vilaine histoire. Ici, il n’a songé qu’à bien vivre ; il a tout laissé aller à la débandade.– Non, l’abbé Caffin a certainement fait ce qu’il a pu ; mais il faut avouer que ses efforts sont restés à peu près stériles. Les miens eux-mêmes demeurent le plus souvent sans Archangias haussa les épaules. Il marcha un instant en silence, déhanchant son grand corps maigre taillé à coups de hache. Le soleil tapait sur sa nuque, au cuir tanné, mettant dans l’ombre sa dure face de paysan, en lame de sabre.– Écoutez, monsieur le curé, reprit-il enfin, je suis trop bas pour vous adresser des observations ; seulement, j’ai presque le double de votre âge, je connais le pays, ce qui m’autorise à vous dire que vous n’arriverez à rien par la douceur… Entendez-vous, le catéchisme suffit. Dieu n’a pas de miséricorde pour les impies. Il les brûle. Tenez-vous-en à comme l’abbé Mouret, la tête penchée, n’ouvrait point la bouche, il continua – La religion s’en va des campagnes, parce qu’on la fait trop bonne femme. Elle a été respectée, tant qu’elle a parlé en maîtresse sans pardon… Je ne sais ce qu’on vous apprend dans les séminaires. Les nouveaux curés pleurent comme des enfants avec leurs paroissiens. Dieu semble tout changé… Je jurerais, monsieur le curé, que vous ne savez même plus votre catéchisme par cœur ?Le prêtre, blessé de cette volonté qui cherchait à s’imposer si rudement, leva la tête, disant avec quelque sécheresse – C’est bien, votre zèle est louable… Mais n’avez-vous rien à me dire ? Vous êtes venu ce matin à la cure, n’est-ce pas ?Frère Archangias répondit brutalement – J’avais à vous dire ce que je vous ai dit… Les Artaud vivent comme leurs cochons. J’ai encore appris hier que Rosalie, l’aînée du père Bambousse, est grosse. Toutes attendent ça pour se marier. Depuis quinze ans, je n’en ai pas connu une qui ne soit allée dans les blés avant de passer à l’église… Et elles prétendent en riant que c’est la coutume du pays !– Oui, murmura l’abbé Mouret, c’est un grand scandale… Je cherche justement le père Bambousse pour lui parler de cette affaire. Il serait désirable, maintenant, que le mariage eût lieu au plus tôt… Le père de l’enfant, paraît-il, est Fortuné, le grand fils des Brichet. Malheureusement les Brichet sont pauvres.– Cette Rosalie ! poursuivit le Frère, elle a juste dix-huit ans. Ça se perd sur les bancs de l’école. Il n’y a pas quatre ans, je l’avais encore. Elle était déjà vicieuse… J’ai maintenant sa sœur Catherine, une gamine de onze ans qui promet d’être plus éhontée que son aînée. On la rencontre dans tous les trous avec ce petit misérable de Vincent… Allez, on a beau leur tirer les oreilles jusqu’au sang, la femme pousse toujours en elles. Elles ont la damnation dans leurs jupes. Des créatures bonnes à jeter au fumier, avec leurs saletés qui empoisonnent ! Ça serait un fameux débarras, si l’on étranglait toutes les filles à leur dégoût, la haine de la femme le firent jurer comme un charretier. L’abbé Mouret, après l’avoir écouté, la face calme, finit par sourire de sa violence. Il appela Voriau, qui s’était écarté dans un champ voisin.– Et, tenez ! cria Frère Archangias, en montrant un groupe d’enfants jouant au fond d’une ravine, voilà mes garnements qui manquent l’école, sous prétexte d’aller aider leurs parents dans les vignes !… Soyez sûr que cette gueuse de Catherine est au milieu. Elle s’amuse à glisser. Vous allez voir ses jupes par-dessus sa tête. Là, qu’est-ce que je vous disais !… À ce soir, monsieur le curé… Attendez, attendez, gredins !Et il partit en courant, son rabat sale volant sur l’épaule, sa grande soutane graisseuse arrachant les chardons. L’abbé Mouret le regarda tomber au milieu de la bande des enfants, qui se sauvèrent comme un vol de moineaux effarouchés. Mais il avait réussi à saisir par les oreilles Catherine et un autre gamin. Il les ramena du côté du village, les tenant ferme de ses gros doigts velus, les accablant d’ prêtre reprit sa marche. Frère Archangias lui causait parfois d’étranges scrupules ; il lui apparaissait dans sa vulgarité, dans sa crudité, comme le véritable homme de Dieu, sans attache terrestre, tout à la volonté du ciel, humble, rude, l’ordure à la bouche contre le péché. Et il se désespérait de ne pouvoir se dépouiller davantage de son corps, de ne pas être laid, immonde, puant la vermine des saints. Lorsque le Frère l’avait révolté par des paroles trop osées, par quelque expression trop brutale, il s’accusait ensuite de ses délicatesses, de ses fiertés de nature, comme de véritables fautes. Ne devait-il pas être mort à toutes les faiblesses de ce monde ? Cette fois encore, il sourit tristement, en songeant qu’il avait failli se fâcher de la leçon emportée du Frère. C’était l’orgueil, pensait-il, qui cherchait à le perdre, en lui faisant prendre les simples en mépris. Mais, malgré lui, il se sentait soulagé d’être seul, de s’en aller à petits pas, lisant son bréviaire, délivré de cette voix âpre qui troublait son rêve de tendresse route tournait entre des écroulements de rocs, au milieu desquels les paysans avaient, de loin en loin, conquis quatre ou cinq mètres de terre crayeuse, plantée de vieux oliviers. Sous les pieds de l’abbé, la poussière des ornières profondes avait de légers craquements de neige. Parfois, en recevant à la face un souffle plus chaud, il levait les yeux de son livre, cherchant d’où lui venait cette caresse ; mais son regard restait vague, perdu sans le voir, sur l’horizon enflammé, sur les lignes tordues de cette campagne de passion, séchée, pâmée au soleil, dans un vautrement de femme ardente et stérile. Il rabattait son chapeau sur son front, pour échapper aux haleines tièdes ; il reprenait sa lecture, paisiblement ; tandis que sa soutane, derrière lui, soulevait une petite fumée, qui roulait au ras du chemin.– Bonjour, monsieur le curé, lui dit un paysan qui bruits de bêche, le long des pièces de terre, le sortaient encore de son recueillement. Il tournait la tête, apercevait au milieu des vignes de grands vieillards noueux, qui le saluaient. Les Artaud, en plein soleil, forniquaient avec la terre, selon le mot de Frère Archangias. C’étaient des fronts suants apparaissant derrière les buissons, des poitrines haletantes se redressant lentement, un effort ardent de fécondation, au milieu duquel il marchait de son pas si calme d’ignorance. Rien de troublant ne venait jusqu’à sa chair du grand labeur d’amour dont la splendide matinée s’emplissait.– Eh ! Voriau, on ne mange pas le monde ! cria gaiement une voix forte, faisant taire le chien qui aboyait Mouret leva la tête.– C’est vous, Fortuné, dit-il, en s’avançant au bord du champ, dans lequel le jeune paysan travaillait. Je voulais justement vous avait le même âge que le prêtre. C’était un grand garçon, l’air hardi, la peau dure déjà. Il défrichait un coin de lande pierreuse.– Par rapport, monsieur le curé ? demanda-t-il.– Par rapport à ce qui s’est passé entre Rosalie et vous, répondit le se mit à rire. Il devait trouver drôle qu’un curé s’occupât d’une pareille chose.– Dame, murmura-t-il, c’est qu’elle a bien voulu. Je ne l’ai pas forcée… Tant pis si le père Bambousse refuse de me la donner ! Vous avez bien vu que son chien cherchait à me mordre tout à l’heure. Il le lance contre Mouret allait continuer, lorsque le vieil Artaud, dit Brichet, qu’il n’avait pas vu d’abord, sortit de l’ombre d’un buisson, derrière lequel il mangeait avec sa femme. Il était petit, séché par l’âge, la mine humble.– On vous aura conté des menteries, monsieur le curé, s’écria-t-il. L’enfant est tout prêt à épouser la Rosalie… Ces jeunesses sont allées ensemble. Ce n’est la faute de personne. Il y en a d’autres qui ont fait comme eux et qui n’en ont pas moins bien vécu pour cela… L’affaire ne dépend pas de nous. Il faut parler à Bambousse. C’est lui qui nous méprise, à cause de son argent.– Oui, nous sommes trop pauvres, gémit la mère Brichet, une grande femme pleurnicheuse, qui se leva à son tour. Nous n’avons que ce bout de champ, où le diable fait grêler les cailloux, bien sûr. Il ne nous donne pas du pain… Sans vous, monsieur le curé, la vie ne serait pas mère Brichet était la seule dévote du village. Quand elle avait communié, elle rôdait autour de la cure, sachant que la Teuse lui gardait toujours une paire de pains de la dernière cuisson. Parfois même, elle emportait un lapin ou une poule, que lui donnait Désirée. Résumé du document Dans le début de La Fortune des Rougon le premier tome de la série des Rougon-Macquart, Zola nous peint la foule révolutionnaire qui marche contre le coup d'Etat de Napoléon III qui a mis fin à la IInde République. Comment est dépeinte cette révolte? Zola montre ici une révolte républicaine. Ce n'est pas la révolte de quelques hommes isolés, mais de tout un peuple. L'accent est donc mis sur la collectivité, jamais les personnages ne sont décrits isolément, c'est le peuple qui est décrit, le peuple qui par définition est nombreux. On note ainsi ces "quelques milliers d'hommes" ligne 2, les "flots vivants", les "masses noires". Sommaire I. La révolte d'un peuple la description de la foule A. L'insistance sur le nombre B. Les métaphores de la masse C. Le symbolisme du chant II. Une description épique A. Mouvements d'agrandissement et de dramatisation B. Mouvements de personnalisations de la foule humaine à la nature III. Un avenir incertain A. Le regard admiratif du narrateur B. Les signes avant-coureurs de la défaite? Extraits [...] En réalité la campagne est sans vie et sans alliés, le paysage est dit être celui d'une "paix morte et glacée" sans doute la paix à venir, celle de la répression dans le sang par Napoléon III. Conclusion Zola nous dépeint de manière admirative cette foule révolutionnaire. On note l'entrelacement de la nature et de la foule humaine la nature devient une force révolutionnaire qui chante, les révolutionnaires eux mêmes deviennent nature chant, tempête. Ainsi, c'est le monde entier qui marche vers la révolution. La défaite n'en sera que plus absurde et plus cruelle. [...] [...] Tout devient plus grand, plus fort et plus dramatique dans ce texte. Ainsi, les révolutionnaires,d e simples hommes deviennent des "géants", leurs trompettes sont "monstrueuses". De même, il y a un effet d'amplification du chant qui va "à tous les coins de la vallée", le chant se répète "à tous les échos" effet de dramatisation du déterminant. Lorsque Zola décrit la façon dont la nature répercute le chant révolutionnaire, la phrase ce fait plus longue "Alors ce ne fut plus seulement la bande qui chanta" la série d'énumérations montre encore une fois le mouvement d'amplification. [...] [...] Cependant cette narration est le point de vue d'un personnage, Silvère, jeune et naïf. D'autres éléments peuvent contrebalancer ce point de vue. Les signes avant-coureurs de la défaite? Dès la première ligne, on peut se questionner sur l'oxymore "terriblement grandiose". Que veut dire cet adverbe "terriblement" qui semble contrebalancer la portée positive de l'adjectif "grandiose"? Peut être que cette foule grandiose va être confrontée à une issue tragique, terrible la mort. De plus, la foule a l'illusion d'être nombreuse, de part les nombreux échos. [...] [...] La fortune des Rougon, chapitre Emile Zola La révolte républicaine. Introduction Dans le début de La Fortune des Rougon le premier tome de la série des Rougon-Macquart, Zola nous peint la foule révolutionnaire qui marche contre le coup d'Etat de Napoléon III qui a mis fin à la IInde République. Comment est dépeinte cette révolte? La révolte d'un peuple la description de la foule L'insistance sur le nombre Zola montre ici une révolte républicaine. Ce n'est pas la révolte de quelques hommes isolés, mais de tout un peuple. [...] [...] On note que le chant est repris "il n'y avait pas un trou de ténèbres où des hommes cachés ne parussent reprendre chaque refrain avec une colère plus haute". La foule est toujours plus grande, le chant toujours repris, le mouvement est "irrésistible". Cette description de la masse est épique registre épique registre de bataille, de guerre. C'est un peuple révolutionnaire qui est en marche, prêt à tout emporter sur son passage. II/ Une description épique Mouvements d'agrandissement et de dramatisation Représenter un combat, une bataille, une guerre s'accompagne d'effets de dramatisation, d'agrandissement, pour donner véritablement un souffle épique à la scène. [...]

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